Une chronique sur la trilogie Les Magiciens? Quelques mots pour parler de 1520 pages et d'une saison de série TV ? Hum... pas simple du tout...
Tout commence en 2010 lorsque j'ai participé à une formation sur la Fantasy, animée par Stéphane Manfrédo, alors directeur de la collection jeunesse Le Maedre aux éditions de l'Atalante (et que je remercie pour avoir découvert cette trilogie que j'adore dans son ensemble !!). Déjà à l'époque je lisais beaucoup de littérature de l'imaginaire sans avoir le regard critique et le recul que j'ai aujourd'hui. Donc, inscrite tardivement je n'ai lu que 2 tomes parmi tous ceux proposés en exemple et l'un d'eux était Les Magiciens de Lev Grossman.
Pourquoi avoir choisi Les Magiciens plutôt qu'un autre titre? Pourquoi ce pavé de 512 pages, que je n'avais même pas terminé lors de la formation? De mémoire parce que je l'ai facilement trouvé en librairie à l'époque et ensuite parce que le marketing annonçait un "Harry Potter pour adulte" (on y reviendra...) Et puis, la couverture de cette première édition était juste sublime.
Je dévorais donc ce tome et suivais la formation. Depuis, j'ai lu le tome 2, Le Roi Magicien et je viens de terminer le tome 3 La Terre du Magicien (7 ans après, il était temps je crois!) Lors de la formation j'ai été tout à fait d'accord avec le formateur, à l'inverse de nombre de mes collègues présentes. Mais venons-en donc à cette œuvre.
A l'époque (décembre 2010), sur un ancien blog, je rédigeais un article avec le résumé suivant :
Tout commence en 2010 lorsque j'ai participé à une formation sur la Fantasy, animée par Stéphane Manfrédo, alors directeur de la collection jeunesse Le Maedre aux éditions de l'Atalante (et que je remercie pour avoir découvert cette trilogie que j'adore dans son ensemble !!). Déjà à l'époque je lisais beaucoup de littérature de l'imaginaire sans avoir le regard critique et le recul que j'ai aujourd'hui. Donc, inscrite tardivement je n'ai lu que 2 tomes parmi tous ceux proposés en exemple et l'un d'eux était Les Magiciens de Lev Grossman.
Pourquoi avoir choisi Les Magiciens plutôt qu'un autre titre? Pourquoi ce pavé de 512 pages, que je n'avais même pas terminé lors de la formation? De mémoire parce que je l'ai facilement trouvé en librairie à l'époque et ensuite parce que le marketing annonçait un "Harry Potter pour adulte" (on y reviendra...) Et puis, la couverture de cette première édition était juste sublime.
Les Magiciens / Lev Grossman, Ed. Atalante- 2010 ; 512p. - 24€ |
La superbe couverture de la première édition française (2010), par Frédéric Perrin.
Je dévorais donc ce tome et suivais la formation. Depuis, j'ai lu le tome 2, Le Roi Magicien et je viens de terminer le tome 3 La Terre du Magicien (7 ans après, il était temps je crois!) Lors de la formation j'ai été tout à fait d'accord avec le formateur, à l'inverse de nombre de mes collègues présentes. Mais venons-en donc à cette œuvre.
A l'époque (décembre 2010), sur un ancien blog, je rédigeais un article avec le résumé suivant :
Pour éviter de spoiler ceux qui voudrait lire ces ouvrages sans rien connaître de l'histoire, je vous cache les résumés. Pour les lire, cliquez !
Ce que j'ai écrit sur le premier tome en 2010 :
Ce qui caractérise Quentin, et peut-être un peu certains de ces camarades, c'est son désenchantement : il va d'espérance en désillusion, blasé, jamais heureux de son sort mais courant sans cesse après un bonheur dont il ignore exactement ce qu'il est. Si à chaque découverte (le manuscrit donné par l'infirmière, Brakebills et la magie, Fillory, etc.) il commence par être euphorique, son émerveillement fait rapidement place à une déception sans limite; il ne trouve pas sa place en quelque monde que ce soit et semble attendre un miracle, quelque chose de transcendant qui ne vient pas. En substance, il ne se passe effectivement pas grand chose sur une bonne partie de l'ouvrage. Le lecteur commence à raisonner un peu comme le personnage : la magie, et alors? Des monstres, et alors? Je me suis sentie prise par l'intime du personnage, dans son désenchantement incessant, le voyant s'enfoncer dans le marasme gris et banal du quotidien, un peu plus à chaque déception. Pour qu'enfin, au bout de quelques mois, une rédemption, il semble enfin trouver sa place.
Pour le tome 2, je me souviens de bref instant lors de la discussion au cours de la formation. Stéphane Manfrédo nous avouait que l'éditeur français hésitait beaucoup à faire traduire ce second tome qui était de la fantasy sans vraiment en être, pouvant presque être considéré comme de la littérature générale. Maintenant que je connais la trilogie, je comprend beaucoup mieux ce qu'il a voulu dire : j'ai beaucoup moins aimé ce second tome, où tout le désenchantement de Quentin est installé et donc où le lecteur est d'emblée plongé (et c'est bien là un des postulat de la fantasy : accepter tout de go les lois de l'univers où l'on vous projette. Ici, règne le désenchantement, lecteur tu seras blasé^^). Il me semble que c'est cela qui atténue l'effet "imaginaire" (fantasy ou fantastique, on pourrait discuter longtemps là-dessus!) Et en ce sens, ce tome 2, m'a paru moins intéressant, j'en étais presque déçue... et cependant, j'attendais la suite avec intérêt. Et heureusement, le tome 3 quant à lui est m'a bien plus accrochée.
En effet, c'est tout à fait le Quentin du début que l'on retrouve par la suite. Un être peu sûr de lui, qui se cherche, qui a du mal à avoir des relations normales avec les autres. Avec cette chose qui le différencie profondément : sa foi en Fillory. Il sait que Fillory existe, il en a été Grand Roi, il en a été chassé. Mais il n'est pas nostalgique de ce temps. Sa seule obsession est de devenir "quelqu'un" et de "retrouver" Alice, tout en gardant foi en Fillory : son paradis existe quelque part et cela lui suffit (presque). Et pourtant, on sent un changement chez Quentin, peu à peu il arrive à s'ancrer au monde, à vivre un peu mieux avec son temps. Il n'est plus un adolescent peu sûr de lui et jamais satisfait mais un trentenaire, qui a de l'expérience, qui est passé par des moments fabuleux et incroyables (Fillory!) et des moments presque banals (la mort de son père par exemple) et qui cherche son chemin de vie pour en faire quelque chose de concret.
Par un hasard, les évènements du tome 3 se déroulent 7 ans après le tome 2 ; et c'est 7 ans après que je lis ce tome 3, après avoir passé 30 ans et en pleine crise d'une trentenaire qui s'interroge encore sur la vie qu'elle souhaite. Je n'ai pu que comprendre certains côtés de Quentin.
En 2010, j'avais l'analyse suivante, à propos du tome 1 :
[Petite mise à jour : les sites de Brakebills et de Plover n'existent plus.]
La couverture de la 1ère édition du tome 2 (qui pour moi illustrerait mieux le tome 3...) |
En effet, c'est tout à fait le Quentin du début que l'on retrouve par la suite. Un être peu sûr de lui, qui se cherche, qui a du mal à avoir des relations normales avec les autres. Avec cette chose qui le différencie profondément : sa foi en Fillory. Il sait que Fillory existe, il en a été Grand Roi, il en a été chassé. Mais il n'est pas nostalgique de ce temps. Sa seule obsession est de devenir "quelqu'un" et de "retrouver" Alice, tout en gardant foi en Fillory : son paradis existe quelque part et cela lui suffit (presque). Et pourtant, on sent un changement chez Quentin, peu à peu il arrive à s'ancrer au monde, à vivre un peu mieux avec son temps. Il n'est plus un adolescent peu sûr de lui et jamais satisfait mais un trentenaire, qui a de l'expérience, qui est passé par des moments fabuleux et incroyables (Fillory!) et des moments presque banals (la mort de son père par exemple) et qui cherche son chemin de vie pour en faire quelque chose de concret.
Par un hasard, les évènements du tome 3 se déroulent 7 ans après le tome 2 ; et c'est 7 ans après que je lis ce tome 3, après avoir passé 30 ans et en pleine crise d'une trentenaire qui s'interroge encore sur la vie qu'elle souhaite. Je n'ai pu que comprendre certains côtés de Quentin.
En 2010, j'avais l'analyse suivante, à propos du tome 1 :
J'ai vu dans cet ouvrage une vision originale du monde. L'auteur semble nous dire que malgré les déceptions, si l'on s'accroche à nos rêves, à cette part d'enfance et si on travaille suffisamment pour ça, même en croyant être au plus bas et avoir perdus ces rêves, ils finissent par se réaliser. Ce livre couleur d'ennui est comme un message d'espoir; la lumière, la couleur y surgit au tout derniers instants, alors que l'on s'attend à une nouvelle catastrophe.
C'est aussi un livre avec de l'humour et de nombreuses références à la littérature de Fantasy (Narnia, Harry Potter, etc.)
Pour conclure, je vous invite à visiter les sites internet de l'auteur : celui de l'école de magie de Brakebills et celui de Christopher Plover, l'auteur des Chroniques de Fillory... Quentin vous dirait "dommage que cette école et ces livres ne soient que virtuels"... mais qui sait ?
[Petite mise à jour : les sites de Brakebills et de Plover n'existent plus.]
La trilogie, couvertures française des 2nd édition (tome 1 et 2) et de la 1ère édition du tome 3 |
Mon avis aujourd'hui, sur le tome 3 et l'ensemble de l'histoire.
C'est bien une sorte de "Harry Potter pour adulte" mais cependant j'ai envie de dire Attention ! C'est aussi tout à fait différent ! Le but de cet ouvrage est de démonter les clichés de la fantasy, les faire passer pour mièvres et sans intérêt. Alors que Harry accepte tout de suite le monde magique, qu'il en est un héro dès sa naissance, Quentin déchante à chaque découverte. Alors que Narnia est un hymne à l'imaginaire, la trilogie de Lev Grossman emprunte tout un tas de références à la culture imaginaire/Geek de ces dernières années, et par le comportement de ses personnages démontent ces références, s'en moquent gentiment.
Là où cette trilogie est superbe, c'est qu'en voulant créer une œuvre de non-fantasy, l'auteur écrit une œuvre de fantasy/fantastique tout à fait prodigieuse, qui emprunte les codes du genre tout en les démontant. Notre anti-héro est confronté à l'existence d'un monde anti-féerique, aussi double et effrayant que la réalité, bien loin du manichéisme d'un Narnia. Ici les dieux sont ridicules, ni tout à fait bon ni complètement mauvais. Dingues, ça certainement. Tout est possible, l'on passe d'un monde gris et terne, où la magie existe pour de petits groupes "d'élus" (magiciens de Brakebills, réseaux parallèles de magiciens autodidactes...) à une terre magique où l'on rencontre toutes sortes de créatures, qu'elle soit licorne, tortue géante ou arbre à horloge.
L'intrigue est bien ficelée (et non, je ne vous ai pas tout raconté... il y a l'histoire des enfants Chatwin, les héros des Chroniques de Fillory...) et nous tient en haleine.
Photo illustrant la série TV. |
Encore quelques mots pour parler de l'adaptation en série TV par Sy-Fy.
Lev Grossman a fait un article sur son blog à ce sujet, expliquant qu'il s'agit bien d'une adaptation et que donc tout n'est pas hyper fidèle au livre. Par exemple dans la série Quentin est traité en hôpital psychiatrique pour des problèmes psychologiques (ce qui change notre vision du héros : est-il réellement un magicien ou imagine-t-il tout ça? une petite différence qui a son importance et ajoute une dimension à la réflexion que l'on peut avoir au-delà de l'histoire) ; ou encore, nombre de chose que l'on apprend dans la saison 1 de la série TV ne sont révélée que dans les tomes 2 voire 3 de la série de livres.
Pour une adaptation, la saison 1 est réussie. Les acteurs sont bons, crédibles (mis à part qu'ils peuvent paraître à peine trop âgés), mais clairement, les scénaristes, des grands fans de la trilogie apparemment, ont lu les 3 livres AVANT de faire la saison 1. Ce qui fait que la série, comme je le dit justement, dévoile quelques éléments d'intrigues des derniers tomes. Ce n'est pas spécialement dommage mais vous voilà prévenu : je pense qu'il vaut mieux lire la trilogie avant de voir la série.
La série a un rendu beaucoup plus sombre que le livre, elle est d'ailleurs classée parmi les série "horreur" (vous voilà prévenus). Effectivement, il y a quelques scènes...pfiou! La musique y trouve une place superbe, un battement de cœur parfaitement angoissant. Rien ne nous y est épargné : ni les choses étranges, ni le sexe et la boisson (et la drogue). L'esthétique également est absolument parfaite, avec un rendu terne et gris pour notre monde, une sorte d'été éternel à Brakebills et une saison qui semble hors du temps pour Fillory (dont pas mal de scène sont filmées de travers pour marquer le fait que les personnages ne sont plus sur notre Terre.)
En espérant que les producteurs iront au bout de l'histoire!
Lev Grossman a fait un article sur son blog à ce sujet, expliquant qu'il s'agit bien d'une adaptation et que donc tout n'est pas hyper fidèle au livre. Par exemple dans la série Quentin est traité en hôpital psychiatrique pour des problèmes psychologiques (ce qui change notre vision du héros : est-il réellement un magicien ou imagine-t-il tout ça? une petite différence qui a son importance et ajoute une dimension à la réflexion que l'on peut avoir au-delà de l'histoire) ; ou encore, nombre de chose que l'on apprend dans la saison 1 de la série TV ne sont révélée que dans les tomes 2 voire 3 de la série de livres.
Pour une adaptation, la saison 1 est réussie. Les acteurs sont bons, crédibles (mis à part qu'ils peuvent paraître à peine trop âgés), mais clairement, les scénaristes, des grands fans de la trilogie apparemment, ont lu les 3 livres AVANT de faire la saison 1. Ce qui fait que la série, comme je le dit justement, dévoile quelques éléments d'intrigues des derniers tomes. Ce n'est pas spécialement dommage mais vous voilà prévenu : je pense qu'il vaut mieux lire la trilogie avant de voir la série.
Le couple Quentin/Alice dans la série TV. |
La série a un rendu beaucoup plus sombre que le livre, elle est d'ailleurs classée parmi les série "horreur" (vous voilà prévenus). Effectivement, il y a quelques scènes...pfiou! La musique y trouve une place superbe, un battement de cœur parfaitement angoissant. Rien ne nous y est épargné : ni les choses étranges, ni le sexe et la boisson (et la drogue). L'esthétique également est absolument parfaite, avec un rendu terne et gris pour notre monde, une sorte d'été éternel à Brakebills et une saison qui semble hors du temps pour Fillory (dont pas mal de scène sont filmées de travers pour marquer le fait que les personnages ne sont plus sur notre Terre.)
En espérant que les producteurs iront au bout de l'histoire!
Pour conclure...
Côté livre, j'ai donc aimé cette trilogie, même si certains tomes et certains passages sont plus prenants que d'autres. Je pense relire un jour les trois tomes d'affilés pour avoir une vue moins "décousue" de ma lecture. Côté série, elle est addictive et je l'ai autant aimé que les livres, elle y est fidèle tout en étant dans l'air du temps (eh oui, presque 10 ans entre le 1er et le 3e tome et donc entre les livres et la série...) Le scénario est très bien pensé, nous révélant certaines choses au fur et à mesure, et petit à petit tout s'assemble à la manière d'un puzzle.
Enfin, je sais que cette trilogie divise. On aime ou pas. Certains lecteurs de fantasy pourraient ne pas aimer ; je conseillerais en fait ces livres soit en donnant un avertissement soit à des lecteurs qui aurait le recul critique nécessaire. "Un Harry Potter pour adulte" est un raccourci vraiment trop rapide, ne vous jetez pas dessus sur ce prétexte (bien commercial). C'est une lecture difficile non pas au sens d'une œuvre très littéraire mais rien n'est épargné au lecteur : le désenchantement, la violence, la beauté, l'ombre et la lumière... la vie dans toute sa complexité, sa réalité, ses illusions, ses rêves/envie/fantasme. Une œuvre très particulière, un petit ovni de fantasy/fantastique, qui sort des sentiers battus façon Tolkien... et c'est tout ce qui en fait sa valeur.
Côté livre, j'ai donc aimé cette trilogie, même si certains tomes et certains passages sont plus prenants que d'autres. Je pense relire un jour les trois tomes d'affilés pour avoir une vue moins "décousue" de ma lecture. Côté série, elle est addictive et je l'ai autant aimé que les livres, elle y est fidèle tout en étant dans l'air du temps (eh oui, presque 10 ans entre le 1er et le 3e tome et donc entre les livres et la série...) Le scénario est très bien pensé, nous révélant certaines choses au fur et à mesure, et petit à petit tout s'assemble à la manière d'un puzzle.
Enfin, je sais que cette trilogie divise. On aime ou pas. Certains lecteurs de fantasy pourraient ne pas aimer ; je conseillerais en fait ces livres soit en donnant un avertissement soit à des lecteurs qui aurait le recul critique nécessaire. "Un Harry Potter pour adulte" est un raccourci vraiment trop rapide, ne vous jetez pas dessus sur ce prétexte (bien commercial). C'est une lecture difficile non pas au sens d'une œuvre très littéraire mais rien n'est épargné au lecteur : le désenchantement, la violence, la beauté, l'ombre et la lumière... la vie dans toute sa complexité, sa réalité, ses illusions, ses rêves/envie/fantasme. Une œuvre très particulière, un petit ovni de fantasy/fantastique, qui sort des sentiers battus façon Tolkien... et c'est tout ce qui en fait sa valeur.
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