jeudi 16 novembre 2017

Des Histoires de maisons hantée...

Il y a, dans la littérature fantastique, des thèmes récurrents. Celui de la maison hantée en est un, et sur ce thème je voudrais aborder ici une lecture de l'année et une plus ancienne mais qui est un coup de cœur. Il s'agit de L'Indésirable de Sarah Waters et de Hantise de Shirley Jackson.


Hantise de Shirley Jackson (que l'on trouve aussi sous le titre La Maison hantée) nous parle d'une maison architecturalement "monstrueuse", où un scientifique souhaite réaliser une expérience afin de démontrer que cette maison est réellement hantée. Il y réunit des sujets sensés être sensibles au surnaturel. C'est ainsi que Hill House, la maison, voit arriver dans ses murs des occupants au profil bien différents et à qui des choses étranges vont arriver.
C'est une histoire où les faits sont peu nombreux mais où l'atmosphère tiens le premier rôle. La maison en elle-même est personnifiée à l'extrême et en est un personnage à part entière : elle porte un nom, est décrit avec précision (et déjà une certaine angoisse) au début du roman :

Il est impossible pour un œil humain de visualiser isolément la coïncidence malheureuse des lignes et des espaces qui, réunis dans la façade d’une maison, lui donnent l’air de respirer le mal. Et cependant il y avait là un je ne sais quoi - une juxtaposition insensée, un angle mal tournée, une rencontre hasardeuse entre ciel et toiture, qui faisaient de Hill House un hâvre de désespoir, d’autant plus terrifiant qu’il semblait présenter un visage éveillé, avec la vigilance de ses fenêtres aveugles et le soupçon de gaieté que suggérait le
sourcil d’une corniche.
 Ce roman est, depuis ma première lecture dans mon top 5, tout genre confondu. Avec cet intérêt tout particulier que chaque lecture produit le même effet, la même angoisse. Le genre d'ouvrage que vous ne lâchez que quand vous l'avez terminé.
A noter : il existe une adaptation cinématographique de ce roman, par Jan de Bont (1999) avec Catherine Zeta-Jones et Liam Neeson (que j'aimerai beaucoup voir!)


L'Indésirable / Sarah Waters, Denoël- 2010 - 26,90€
Hantise / Shirley Jackson, Pocket- 1999

L'Indésirable de Sarah Waters est dans un tout autre style. Le docteur Faraday, qui nous conte sa (més)aventure, commence par nous exposer (sur quelques 200 pages), sa vie et, déjà, il nous décrit le Hall, maison où sa mère travaillait. Au cours d'une visite pour une urgence, il rencontre la famille qui vit là depuis des génération.
Peu à peu il se lie avec la famille jusqu'à manquer d'en devenir le membre. Dès le départ, sa description de la maison nous fait ressentir un certain malaise ; il la trouve (trop) magnifique, superbe et, comme tout souvenir d'enfance, la surestime. Dès le départ également on ressent son attachement pour Caroline, la fille de la famille mais, jusqu'à la fin l'on se demande si cet amour est réellement pour l'héritière où pour sa fortune, comprenant, évidemment, la maison.
C'est un roman long, où l'intrigue met du temps à s'installer, dure autant de temps et se dénoue dans le malheur, l'angoisse et laisse les personnages sceptiques.
Le personnage du docteur Faraday est un scientifique et en tant que tel trouve toujours une explication aux évènements étranges qui se passe presque sous son nez.
L'auteur nous situe donc à l'inverse de Hantise : dans l'un, un scientifique veut prouver l'existence du surnaturel, dans l'autre le scientifique est caution, il n'arrive pas à croire au surnaturel de la situation. Si dans Hantise la maison semble réellement vivante, dans L'Indésirable elle semble plutôt habitée par un fantôme et le lecteur, très tôt dans l'intrigue, pense à la première fille de la châtelaine, morte très jeune.

jeudi 7 septembre 2017

Eclosia ou l'Ecosse des légendes, Nathalie Bagadey

Il y a presque un an, un de mes "butins" du Salon des Aventuriales était un roman de fantastique sur l’Écosse. Chose promise, chose due, j'ai enfin pris le temps de le lire et je ne le regrette pas...

Clorinde est une jeune femme très rationnelle, étudiante en économie. A l'occasion d'un voyage en Écosse pour une conférence, elle sera entraîner par son guide local, le beau Ian McLeod, héritier d'un des clans les plus célèbres et étudiant les créatures mythologiques de son pays, à travers la lande et la bruyère; un périple qui risque bien de bouleverser sa vie entière.


Le style est simple mais efficace. Le texte est assez court et se lit très bien. De la romance, du fantastique, de l'aventure...

Mais le vrai plus de cet ouvrage, ce sont les paysages. Je soupçonne l'auteur, professeur d'anglais, de les connaître parfaitement... elle a su rendre tout à la fois des paysages réels, où vous pouvez sentir le vent frais et voir les vert et les ocres, le bleu du ciel et le gris des brumes, mais elle est arrivée dans le même temps à leur rendre cet aspect fantastique que l'on peut trouver dans certains films. Les créatures imaginaires que l’héroïne rencontre installe également une atmosphère toute particulière ; d'ailleurs le choix des créatures est excellent : on croise aussi bien Nessie que des fantômes ou encore que des créatures moins communes comme la selkie ou le kelpie.
J'ai ressenti aussi l'amour de l'auteur pour ses personnages : Clorinde, à qui l'on peut assez facilement s'identifier en cela que sa rationalité extrême l'ancre dans le présent et le 21ème siècle (mais qui adore les littératures de l'imaginaire) ; Ian, beau comme un dieu, presque tout aussi parfait, ancré dans les légendes de son pays et par qui tout devient possible et crédible ;  et tout les autres croisés au fil du texte, créatures fantastiques, père inquiet, tante froide au premier abord...
Enfin, merci à l'auteur pour les clins d’œil, notamment à Braveheart et Harry Potter...

Il n'y a peut-être que la couverture qui me plaît moins et où j'aurais joué sur un contraste entre brume et couleur... mais qui reste tout de même très jolie.

Bref, un très beau moment de lecture, qui donne envie de prendre de suite son billet d'avion.


Eclosia ou l'Ecosse des légendes / Nathalie Bagadey, Bagadey éditions- 2014 ; 242p. - 18€


lundi 19 juin 2017

La Bête du Gévaudan

Parmi les mystères du monde, il en est un, en France, pas très loin de mon Auvergne natal, tout à fait fascinant. C'est l'histoire de la Bête du Gévaudan.

Entre 1764 et 1767, le Gévaudan, pays correspondant à peu près à la Lozère actuelle, est le théâtre d'une série d'attaques, perpétuées par une "bête". L'on chassa celle-ci, tuant plusieurs loups de belle taille ; des hommes de Paris vinrent, envoyés par le roi de France ou attirés par le gain promis en récompense. Au final ce fût un paysan du coin, Jean Chastel, qui sembla venir à bout de cette histoire. 

http://www.musee-bete-gevaudan.com


Voilà en quelques lignes très rapides l'histoire de la bête. Histoire fascinante tant de par les aspects fabuleux de cette bête - tantôt loup énorme, hyène, hybride peu commun de deux animaux restant à identifier, avec une crinière rougeâtre, de longues griffes, se tenant debout sur ses pattes arrières - que par son intelligence. En effet, elle s'attaquait surtout aux femmes et aux enfants, aux personnes plutôt faibles en général. Cette intelligence qu'on lui reconnaît a fait naître mille et un fantasme à travers le temps... comme celui où la bête aurait été "dirigée" par un homme... à moins qu'elle ne soit en fait qu'un homme particulièrement pervers ; quand elle n'est pas carrément un loup-garou ! Bien évidemment, l'église y va aussi de son couplet, voyant dans les massacres de la Bête, le signe d'un châtiment divin ou à l'opposé les méfait du malin.

Parmi les versions les plus connus l'on retrouve le film Le Pacte des Loups de Christophe Gans, sorti en 2001. Dans la version de Gans, critiquée pour son manque de rigueur historique, la Bête est un animal africain, non identifiée. Par ailleurs, ce film plutôt sombre a une esthétique tout à fait singulière, emprunte de mystère et de sensualité.

Le livre dont je voulais surtout vous parler avec cet article est Gévaudan de Philippe Mignaval.
Gévaudan / Philippe Mignaval, Éditions Le Pré aux clercs - 2006  
Dans ce roman se passant de nos jours, le narrateur, un scientifique vivant dans la région des meurtres, rencontre, à l'occasion d'une soirée inaugurale du musée de la Bête, une jeune étudiante qui va lui révéler détenir un morceau de peau de l'animal. Tout deux s'élancent alors aussi bien dans une relation physique que dans une expérience de clonage suspecte. Jusqu'au jour où les attaques de la Bête recommencent.

Tout d'abord, c'est un livre qui se lit facilement; plutôt bien construit au niveau suspense, on a du mal à le laisser, on veut connaître la suite. L'aspect sensuel de l'histoire de la bête se retrouve ici dans quelques scènes très explicites mais qui n'apportent pas grand chose à l'histoire (scènes érotiques, pornographiques, zoophiles également...). Ensuite, malgré une idée de départ assez farfelue (clonage de la bête à partir d'un morceau de peau plutôt bien conservée), l'histoire prend vraiment; les aspects scientifiques semblent crédibles (je ne suis pas une scientifique d'où le "semblent" ); les personnages sont campés, empreints de réalisme quoique légèrement caricaturaux (le quarantenaire en crise, la jeune étudiante qui n'a pas froid aux yeux, la jeune femme un peu hippie, tenant une herboristerie... jusqu'au paysan peu loquace mais farouchement fidèle). Enfin le mystère de l'histoire de la Bête prend toute son ampleur, son clonage étant prétexte à une vraie enquête qui répond enfin à la question autour de laquelle tourne toute l'énigme de la Bête du Gévaudan depuis des siècles : mais qu'est-ce qu'est réellement la bête ?

Au final, les éléments que l'on retrouve dans la plupart des œuvres traitant le sujet sont utilisés ici avec assez d'habileté : sensualité entre les personnages qui sont touchés par le mystère de la bête, enquête au sujet de celle-ci qui envisage toute les possibilités (la bête, l'homme qui la dresse, un homme lui-même)... pour arrivée à une conclusion que je ne vous dévoilerais pas ici mais qui n'est en rien inédite.

jeudi 6 avril 2017

Trilogie des Magiciens de Lev Grossman

Une chronique sur la trilogie Les Magiciens? Quelques mots pour parler de 1520 pages et d'une saison de série TV ? Hum... pas simple du tout...

Tout commence en 2010 lorsque j'ai participé à une formation sur la Fantasy, animée par Stéphane Manfrédo, alors directeur de la collection jeunesse Le Maedre aux éditions de l'Atalante (et que je remercie pour avoir découvert cette trilogie que j'adore dans son ensemble !!). Déjà à l'époque je lisais beaucoup de littérature de l'imaginaire sans avoir le regard critique et le recul que j'ai aujourd'hui. Donc, inscrite tardivement je n'ai lu que 2 tomes parmi tous ceux proposés en exemple et l'un d'eux était Les Magiciens de Lev Grossman.

Pourquoi avoir choisi Les Magiciens plutôt qu'un autre titre? Pourquoi ce pavé de 512 pages, que je n'avais même pas terminé lors de la formation? De mémoire parce que je l'ai facilement trouvé en librairie à l'époque et ensuite parce que le marketing annonçait un "Harry Potter pour adulte" (on y reviendra...) Et puis, la couverture de cette première édition était juste sublime.



Les Magiciens / Lev Grossman, Ed. Atalante- 2010 ; 512p. - 24€   
 La superbe couverture de la première édition française (2010), par Frédéric Perrin.


Je dévorais donc ce tome et suivais la formation. Depuis, j'ai lu le tome 2, Le Roi Magicien et je viens de terminer le tome 3 La Terre du Magicien (7 ans après, il était temps je crois!) Lors de la formation j'ai été tout à fait d'accord avec le formateur, à l'inverse de nombre de mes collègues présentes. Mais venons-en donc à cette œuvre.

A l'époque (décembre 2010), sur un ancien blog, je rédigeais un article avec le résumé suivant :

Pour éviter de spoiler ceux qui voudrait lire ces ouvrages sans rien connaître de l'histoire, je vous cache les résumés. Pour les lire, cliquez !


[...] C'est un livre que j'avais déjà repéré en librairie à sa sortie. Parce que les couvertures de l'Atalante sont belles et m'attirent; ici, un groupe de beaux adolescents, l'air "cool", en chemise-jean et sac au dos, des sorts magiques au bout des doigts. Le décor qui les englobe est le cadran d'une grosse horloge un peu particulière, aux multiples aiguilles.

Certaines des collègues présent(e)s à la formation n'ont pas aimé ce livre, expliquant qu'il ne s'y passe rien, que les protagonistes ne font que boire et faire l'amour. Je ne dirais pas ça.

L'histoire?
Quentin, Q, un adolescent à l'intelligence au-dessus de la moyenne, mais quelque peu solitaire et asocial, se défini lui-même comme un nerd. Il vient d'une famille modeste et banale, vivant à Brooklyn et fréquente les autres "grosses têtes" de son école. Mais Quentin rêve d'ailleurs et de magie. La magie, il en fait un peu : quelques tours de passe passe et de cartes; il est même très habile pour ce genre d'exercice. L'ailleurs il le trouve dans une série de romans qu'il lit depuis tout petit et qu'il connaît par cœur : Les Chroniques de Fillory [de Christopher Plover].

Quentin s'apprête à passer un entretien pour une prestigieuse école mais lorsqu'il arrive chez le vieux recruteur, celui-ci est mort. Une drôle d'infirmière lui donne une enveloppe. Lorsque dehors il l'ouvre, il découvre un dernier volume des Chroniques de Fillory, une suite non parue. Mais il y trouve aussi un papier qui s'envole avant d'avoir pu le lire. Quentin lui court après et tel Lucie Pevensie qui passe dans l'Armoire et se retrouve à Narnia, Quentin se retrouve par enchantement sur le domaine d'une école de magie. Sa vie bascule alors et il va découvrir un monde caché au sein du notre, cet ailleurs dont il a toujours rêvé. Il sera admis à Brakebills, l'école de magie; il y passe un certain temps, subit quelques rudes et moins rudes épreuves, se lie d'amitié [Elliot, Janet, Penny...] et d'amour [Alice] avant de découvrir que Fillory, son pays tant espéré existe bel et bien. Avec ses nouveaux amis magiciens il vivra balancé entre les deux mondes avant de vivre une sombre aventure et d'atteindre son rêve d'ailleurs.



Dans le tome 2, on continue de suivre Quentin, Julia, Elliot et Janet, désormais Rois et Reines de Fillory. Mais ce second tome me laisse un souvenir complexe : il s'y passe au final beaucoup de choses tout en nous laissant sur notre faim. Fillory est bien loin du monde enchanté que s'étaient imaginé les héros. D'oracle de mort en aventure maritime, Quentin et Julia reviendront sur notre Terre, notamment dans les maisons relais, (une alternative à Brakebills pour ceux qui, comme Julia, n'avaient pas réussi les examens d'entrée...) pour enfin repartir proprement dit au "Bout du monde" de Fillory. Des voyages entre les mondes et dans le temps, de Venise à New-York, de Fillory au Pays du Ni... Julia est bien plus au centre de l'intrigue que dans le premier tome, on y découvre notamment ce qu'elle a vécue alors que Quentin suivait l'enseignement de Brakebills. Son avenir et sa vision, son vécu de la magie s'avèreront bien différent du monde cadré et policé des "chanceux" élèves de l'école de magie.




Quant au tome 3...
On suit en parallèle Quentin, trentenaire qui se cherche encore un peu et Elliot et Janet, Grand Roi et Reine de Fillory. Alors que Quentin, encore obsédée par la perte d'Alice (consumée par sa puissance elle est devenue une sorte de fantôme, de la magie pure), commence par devenir professeur à Brakebills puis en est chassé et s'embarque dans une affaire de vol d'objet magique assez louche, Elliott et Janet apprennent que Fillory se meurt. Leurs quêtes se rejoindront pour aboutir à une happy end où chacun trouve une place et où Fillory renaît.


Ce que j'ai écrit sur le premier tome en 2010 :

Ce qui caractérise Quentin, et peut-être un peu certains de ces camarades, c'est son désenchantement : il va d'espérance en désillusion, blasé, jamais heureux de son sort mais courant sans cesse après un bonheur dont il ignore exactement ce qu'il est. Si à chaque découverte (le manuscrit donné par l'infirmière, Brakebills et la magie, Fillory, etc.) il commence par être euphorique, son émerveillement fait rapidement place à une déception sans limite; il ne trouve pas sa place en quelque monde que ce soit et semble attendre un miracle, quelque chose de transcendant qui ne vient pas. En substance, il ne se passe effectivement pas grand chose sur une bonne partie de l'ouvrage. Le lecteur commence à raisonner un peu comme le personnage : la magie, et alors? Des monstres, et alors? Je me suis sentie prise par l'intime du personnage, dans son désenchantement incessant, le voyant s'enfoncer dans le marasme gris et banal du quotidien, un peu plus à chaque déception. Pour qu'enfin, au bout de quelques mois, une rédemption, il semble enfin trouver sa place.
Pour le tome 2, je me souviens de bref instant lors de la discussion au cours de la formation. Stéphane Manfrédo nous avouait que l'éditeur français hésitait beaucoup à faire traduire ce second tome qui était de la fantasy sans vraiment en être, pouvant presque être considéré comme de la littérature générale. Maintenant que je connais la trilogie, je comprend beaucoup mieux ce qu'il a voulu dire : j'ai beaucoup moins aimé ce second tome, où tout le désenchantement de Quentin est installé et donc où le lecteur est d'emblée plongé (et c'est bien là un des postulat de la fantasy : accepter tout de go les lois de l'univers où l'on vous projette. Ici, règne le désenchantement, lecteur tu seras blasé^^). Il me semble que c'est cela qui atténue l'effet "imaginaire" (fantasy ou fantastique, on pourrait discuter longtemps là-dessus!) Et en ce sens, ce tome 2, m'a paru moins intéressant, j'en étais presque déçue... et cependant, j'attendais la suite avec intérêt. Et heureusement, le tome 3 quant à lui est m'a bien plus accrochée.

La couverture de la 1ère édition du tome 2 (qui pour moi illustrerait mieux le tome 3...)


En effet, c'est tout à fait le Quentin du début que l'on retrouve par la suite. Un être peu sûr de lui, qui se cherche, qui a du mal à avoir des relations normales avec les autres. Avec cette chose qui le différencie profondément : sa foi en Fillory. Il sait que Fillory existe, il en a été Grand Roi, il en a été chassé. Mais il n'est pas nostalgique de ce temps. Sa seule obsession est de devenir "quelqu'un" et de "retrouver" Alice, tout en gardant foi en Fillory : son paradis existe quelque part et cela lui suffit (presque). Et pourtant, on sent un changement chez Quentin, peu à peu il arrive à s'ancrer au monde, à vivre un peu mieux avec son temps. Il n'est plus un adolescent peu sûr de lui et jamais satisfait mais un trentenaire, qui a de l'expérience, qui est passé par des moments fabuleux et incroyables (Fillory!) et des moments presque banals (la mort de son père par exemple) et qui cherche son chemin de vie pour en faire quelque chose de concret.

Par un hasard, les évènements du tome 3 se déroulent 7 ans après le tome 2 ; et c'est 7 ans après que je lis ce tome 3, après avoir passé 30 ans et en pleine crise d'une trentenaire qui s'interroge encore sur la vie qu'elle souhaite. Je n'ai pu que comprendre certains côtés de Quentin.


En 2010, j'avais l'analyse suivante, à propos du tome 1 :

J'ai vu dans cet ouvrage une vision originale du monde. L'auteur semble nous dire que malgré les déceptions, si l'on s'accroche à nos rêves, à cette part d'enfance et si on travaille suffisamment pour ça, même en croyant être au plus bas et avoir perdus ces rêves, ils finissent par se réaliser. Ce livre couleur d'ennui est comme un message d'espoir; la lumière, la couleur y surgit au tout derniers instants, alors que l'on s'attend à une nouvelle catastrophe.
C'est aussi un livre avec de l'humour et de nombreuses références à la littérature de Fantasy (Narnia, Harry Potter, etc.)

Pour conclure, je vous invite à visiter les sites internet de l'auteur : celui de l'école de magie de Brakebills et celui de Christopher Plover, l'auteur des Chroniques de Fillory... Quentin vous dirait "dommage que cette école et ces livres ne soient que virtuels"... mais qui sait ?

[Petite mise à jour : les sites de Brakebills et de Plover n'existent plus.]

La trilogie, couvertures française des 2nd édition (tome 1 et 2) et de la 1ère édition du tome 3



Mon avis aujourd'hui, sur le tome 3 et l'ensemble de l'histoire.

C'est bien une sorte de "Harry Potter pour adulte" mais cependant j'ai envie de dire Attention ! C'est aussi tout à fait différent ! Le but de cet ouvrage est de démonter les clichés de la fantasy, les faire passer pour mièvres et sans intérêt. Alors que Harry accepte tout de suite le monde magique, qu'il en est un héro dès sa naissance, Quentin déchante à chaque découverte. Alors que Narnia est un hymne à l'imaginaire, la trilogie de Lev Grossman emprunte tout un tas de références à la culture imaginaire/Geek de ces dernières années, et par le comportement de ses personnages démontent ces références, s'en moquent gentiment.

Là où cette trilogie est superbe, c'est qu'en voulant créer une œuvre de non-fantasy, l'auteur écrit une œuvre de fantasy/fantastique tout à fait prodigieuse, qui emprunte les codes du genre tout en les démontant. Notre anti-héro est confronté à l'existence d'un monde anti-féerique, aussi double et effrayant que la réalité, bien loin du manichéisme d'un Narnia. Ici les dieux sont ridicules, ni tout à fait bon ni complètement mauvais. Dingues, ça certainement. Tout est possible, l'on passe d'un monde gris et terne, où la magie existe pour de petits groupes "d'élus" (magiciens de Brakebills, réseaux parallèles de magiciens autodidactes...) à une terre magique où l'on rencontre toutes sortes de créatures, qu'elle soit licorne, tortue géante ou arbre à horloge.

L'intrigue est bien ficelée (et non, je ne vous ai pas tout raconté... il y a l'histoire des enfants Chatwin, les héros des Chroniques de Fillory...) et nous tient en haleine.

Photo illustrant la série TV.


Encore quelques mots pour parler de l'adaptation en série TV par Sy-Fy.

Lev Grossman a fait un article sur son blog à ce sujet, expliquant qu'il s'agit bien d'une adaptation et que donc tout n'est pas hyper fidèle au livre. Par exemple dans la série Quentin est traité en hôpital psychiatrique pour des problèmes psychologiques (ce qui change notre vision du héros : est-il réellement un magicien ou imagine-t-il tout ça? une petite différence qui a son importance et ajoute une dimension à la réflexion que l'on peut avoir au-delà de l'histoire) ; ou encore, nombre de chose que l'on apprend dans la saison 1 de la série TV ne sont révélée que dans les tomes 2 voire 3 de la série de livres.

Pour une adaptation, la saison 1 est réussie. Les acteurs sont bons, crédibles (mis à part qu'ils peuvent paraître à peine trop âgés), mais clairement, les scénaristes, des grands fans de la trilogie apparemment, ont lu les 3 livres AVANT de faire la saison 1. Ce qui fait que la série, comme je le dit justement, dévoile quelques éléments d'intrigues des derniers tomes. Ce n'est pas spécialement dommage mais vous voilà prévenu : je pense qu'il vaut mieux lire la trilogie avant de voir la série.

Le couple Quentin/Alice dans la série TV.


La série a un rendu beaucoup plus sombre que le livre, elle est d'ailleurs classée parmi les série "horreur" (vous voilà prévenus). Effectivement, il y a quelques scènes...pfiou! La musique y trouve une place superbe, un battement de cœur parfaitement angoissant. Rien ne nous y est épargné : ni les choses étranges, ni le sexe et la boisson (et la drogue). L'esthétique également est absolument parfaite, avec un rendu terne et gris pour notre monde, une sorte d'été éternel à Brakebills et une saison qui semble hors du temps pour Fillory (dont pas mal de scène sont filmées de travers pour marquer le fait que les personnages ne sont plus sur notre Terre.)

En espérant que les producteurs iront au bout de l'histoire!

Pour conclure...

Côté livre, j'ai donc aimé cette trilogie, même si certains tomes et certains passages sont plus prenants que d'autres. Je pense relire un jour les trois tomes d'affilés pour avoir une vue moins "décousue" de ma lecture. Côté série, elle est addictive et je l'ai autant aimé que les livres, elle y est fidèle tout en étant dans l'air du temps (eh oui, presque 10 ans entre le 1er et le 3e tome et donc entre les livres et la série...) Le scénario est très bien pensé, nous révélant certaines choses au fur et à mesure, et petit à petit tout s'assemble à la manière d'un puzzle.

Enfin, je sais que cette trilogie divise. On aime ou pas. Certains lecteurs de fantasy pourraient ne pas aimer ; je conseillerais en fait ces livres soit en donnant un avertissement soit à des lecteurs qui aurait le recul critique nécessaire. "Un Harry Potter pour adulte" est un raccourci vraiment trop rapide, ne vous jetez pas dessus sur ce prétexte (bien commercial). C'est une lecture difficile non pas au sens d'une œuvre très littéraire mais rien n'est épargné au lecteur : le désenchantement, la violence, la beauté, l'ombre et la lumière... la vie dans toute sa complexité, sa réalité, ses illusions, ses rêves/envie/fantasme. Une œuvre très particulière, un petit ovni de fantasy/fantastique, qui sort des sentiers battus façon Tolkien... et c'est tout ce qui en fait sa valeur.

mercredi 4 janvier 2017

2017!


Pour 2017, comme sur la fin de 2016, les articles seront beaucoup moins réguliers.

J'ai décidé de me garder du temps et de ne plus me poser d'obligations ; l'essentiel pour moi avec ce blog est de vous partager mes lectures... et j'ai des périodes où je ne lis pas du tout. Donc voilà, de temps en temps je partagerais mes coups de cœur ou autre, sans régularité définie.